CIMETIÈRES OUBLIÉS – Photographies de Normand Métivier

 CIMETIÈRES OUBLIÉS – Photographies de Normand Métivier 

C’est en parcourant les routes des campagnes à la recherche de photos que mon attention fut portée sur ces petits hameaux de paix.

En fait, ils sont tellement en paix que pour certains d’entre eux, plus personne n’y vient depuis longtemps. Pour la plupart, les cimetières des anglophones reprennent comme présentation les principes du jardin anglais. La disposition des stèles étant moins rigide que dans les cimetières des francophones, l’image visuelle créée est d’un rythme plus souple et plus naturel.

Les anglophones se soucient beaucoup du protocole de mise en terre pour leurs morts. Les stèles font face à l’Est pour le jour de la résurrection. Le cimetière est entouré d’une clôture pour ne pas que des bêtes viennent y profaner le lieu et quand on le peut, le cimetière est placé sur des hauteurs pour que le corps du défunt ne repose pas dans l’eau et qu’il puisse veiller pour l’éternité sur les vivants qu’il a quittés.

Dans les Cantons-de-l’Est, l’occupation du territoire s’est faite en deux étapes pour les anglophones. Au tout début, dans la partie la plus au sud, il y eu des États-Uniens dont certains loyalistes, attirés par les nouvelles terres offertes par le gouvernement du Bas-Canada.

Puis, il y a eu la colonisation britannique qui est venue de la région de Québec, celle-ci a surtout amené des Britanniques et des Écossais. Plus tard, ce sont des Irlandais qui se sont mêlés à la population.

Ils sont venus ici en souhaitant bâtir leurs rêves. Ces rêves qu’ils appelaient Oliver’s Corner, Ruiter’s Corner, Fairfax, Clenvenland et New Boston.

Tous ses noms aujourd’hui n’évoquent que des cimetières abandonnés ou entretenus pas d’irréductibles anglophones qui s’accrochent avec raison, à leurs histoires.

Je veux, par mes photos vous faire visiter des coins des Cantons-de-l’Est qu’on appelait avant Eastern Towships. Je veux vous donner envie d’aller voir ces hameaux de paix, passer un peu de temps à lire les stèles et à redécouvrir des gens qui ne méritent sûrement  pas de tomber dans l’oubli et l’indifférence.

MA DÉMARCHE… 

J’ai voulu donner à mes photos une facture hors de l’ordinaire pour ce travail. Je veux créer un engouement, un questionnement et une réaction qui dépassent le simple reportage photo graphique.

J’ai choisi d’utiliser des prises de vue à l’infrarouge pour ces photos. Ce procédé non conventionnel a l’avantage de susciter beaucoup d’interrogations de la part de l’observateur. Il faut savoir que l’infrarouge ne réagit qu’à la température des choses et non à leurs couleurs. Une chose froide apparaîtra dans des couleurs sombres tandis que toute la chaleur engendra des teintes claires. Il en est de même avec la vie, pleine de chaleur, et la mort symbolisée depuis toujours par le froid.

La prise d’une photographie infrarouge prend entre dix et trente secondes à réaliser. Tout ce qui a bougé durant ce moment apparaîtra flou sur l’image. J’utilise ce flou comme symbole de la vie et de la mort. Les éléments vivant dans l’image sont les nuages, les arbres et la végétation. Les stèles qui sont la représentation de la mort sont, elles, immobiles.

Nombreuses aussi, sont les allégations venant de ceux qui sont passés dans l’au-delà et revenus. Ils font état de ce tunnel et de la lumière vers laquelle on avance. L’infrarouge crée cette distorsion de la lumière à la prise de vue. Cela suggère que nous sommes en mouvement vers le centre de l’image comme si on se dirigeait vers cet autre monde.

La saturation des pixels par la couleur est fréquente avec l’infrarouge. Souvent, le rendu final apparaît légèrement granuleux. C’est aussi la texture que je retrouve sur les stèles de calcaire blanc.

J’ai choisi des couleurs qui nous placent dans ce moment du jour où, entre chien et loup, l’incertitude est à son comble. Je veux placer l’observateur dans cette zone où il ne sait pas si tout va basculer dans l’inconfort ou la sérénité.

J’ai souhaité le plus possible que mes photographies soient remplies de symboles qu’elles forcent l’observateur à s’interroger sur sa vie et sa propre mort.

Si on y pense un peu à elle, la mort ne pourra plus nous prendre par surprise.

Normand Métivier

SITE INTERNET http://normandmetivier.com/Normand_Metivier_Photographe/Accueil.html

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